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Aborder le sujet de l’évaluation des psychothérapies, c’est être rapidement confronté à une multitude de questions, dont on supposait jusqu’à cet instant la réponse évidente, et une perplexité croissante dont Docteur L’Hereec tente ici d’expliciter certains facteurs.

A commencer par le fait, précisément, qu’il ne s’agit pas là d’un sujet – au sens d’une problématique élaborable en termes de questions et d’hypothèses dans un cadre référentiel pré-établi – mais d’un véritable domaine, d’un champ de recherche avec ses propres problèmes de délimitation et de choix référentiels et méthodologiques.

Ainsi, traiter de l’évaluation des psychothérapies ce peut être, dans une première approche et sans prétendre à l’exhaustivité :

1°) Traiter de l’efficacité des psychothérapies

En tant que procédé thérapeutique et au même titre que tout autre procédé, c’est-à-dire en référence d’une part à une séméiologie et à une nosographie, d’autre part à des critères d’amélioration ou de guérison définis à priori (qui peuvent être : symptomatiques, comportementaux, caractériels, psychodynamiques…). Ce qui pose la question, dans le domaine de la pathologie, du champ des psychothérapies, de leurs indications et de leurs limites. Cette perspective – qui est fondamentalement celle de FREUD- renvoie historiquement à l’émergence du concept de psychothérapie à partir :

  • de l’héritage psychiatrique du traitement moral des maladies nerveuses,
  • d’une tradition de pensée médico-psychologique attachée à l’idée de l’influence de l’esprit sur le corps,
  • et enfin, avec le glissement de l’hystérie de l’ordre des maladies neurologiques à l’ordre des maladies mentales, de l’équation : à maladie psychique, traitement psychique.

2°) Evaluer les effets des psychothérapies

Au-delà de cette perspective psychopathologique réductrice contestable, en terme de changement individuel. Ce qui pose alors la question de la finalité du remaniement psychique visé par le processus psychothérapique : en fonction de quel idéal de normalité ? ou d’adaptation ? voire de quelle conception de l’homme ?

Ici, quoiqu’on en veuille, les valeurs du psychothérapeute se trouvent fortement sollicitées. D’où le recours usuel à de prudentes généralités telles que ‘’la restauration de la capacité d’aimer et de travailler’’ ou ‘’le soulagement d’une souffrance intérieure à laquelle le patient attribue sa difficulté à être et à fonctionner’’. Pourtant les réponses d’un psychothérapeute – et donc l’orientation de sa pratique – varieront par exemple suivant qu’il se sent plus ou moins proche, au-delà des différentes écoles, de l’une des deux doctrines extrêmes en la matière :

  • l’une dite structurale qui pose le problème du changement en référence à une structure qui a pour fin sa propre stabilité et en terme des transformations possibles d’une telle structure.
  • L’autre dite évolutionniste qui pose le problème du changement en référence à une évolutivité psychologique et en terme de potentialités de développement entravées.

3°) Évaluer les processus psychothérapique

Dans le cadre d’un courant, d’une approche donnée, en terme d’expertise, de description (ses buts propres, son cadre, ses moyens, son déroulement). C’est le cas, par exemple, des écrits psychanalytiques traitant de la théorie de la cure, des facteurs curatifs, des critères d’indication et de terminaison. C e qui pose la question de la clinique, de l’articulation des démarches évaluatives de ce type avec la situation psychothérapique, et du risque de la sélection exclusive de données en accord avec des présupposés théoriques ; soit de la recherche, sous couvert d’évaluation, d’une auto-validation.

4°) Évaluer les liens entre le processus ainsi défini et les effets observés

Ce qui pose la question des facteurs spécifiques à une approche donnée et des facteurs aspécifiques, c’est-à-dire agissant dans toute forme d’approche. Ou encore, la question éminemment complexe des rapports entre théorie(s) de référence / théorie et pratique(s) effectives(s) / effets. En sachant :

  • D’une part, que compte-tenu des facteurs multiples de la situation psychothérapique, aucune hypothèse théorique ne peut jamais être validée, en toute rigueur, par une efficacité thérapeutique. Cette validation supposerait en effet la certitude que le facteur déterminant de cette efficacité est bien celui que l’on isole, ce qui n’est jamais les cas.
  • D’autre part, que la situation psychothérapique fait intervenir un psychothérapeute et non une théorie ou une technique. Ce qui suppose de prendre également en compte, et peut-être surtout, son rapport singulier à cette théorie ou technique.

5°) Évaluer en les comparant différentes approches psychothérapiques

En fonction des critères précédents (résultats thérapeutiques, effets en terme de changement individuel, cohérence théorique, facteurs spécifiques) ou d’autres choisis arbitrairement…

Ce qui pose alors les questions, inhérentes à toute démarche comparative dont les résultats ne sont interprétables qu’en fonction d’une part d’hypothèses préalables (les démarches comparatives ne permettant éventuellement que d’infirmer des hypothèses) et d’autre part de la méthodologie mise en œuvre qui doit répondre à la double exigence : de simplifier pour permettre la comparaison mais sans dénaturer ce qui est comparé au point de vider l’étude de son objet. Exigence qui selon Docteur L’Hereec se révèle ici insurmontable.